En un mois de balade à cheval, Meyra avait eu l’occasion de ressasser ce qu’il s’était passé à Port Real. Elle avait échoué sa mission, elle n’avait pas pu assassiner la Reine régente. Elle avait été prise sur le fait par le régicide, ce qui avait donné lieu à la plus grande mise en danger à laquelle elle avait pu être confrontée. A vrai dire, elle n’en revenait pas d’être revenu en un seul morceau.

La jeune mercenaire n’avait jamais échoué auparavant, mais d’un autre côté on ne lui avait jamais confié une pareille mission. Elle essayait de se persuader qu’on ne lui tiendrait pas rigueur de cet échec, mais au fond d’elle la jeune femme savait qu’elle ne risquait pas de s’en tirer à si bon compte.

Sur la route, elle songea plusieurs fois à simplement faire demi-tour et disparaître avec la prime d’avance que Lady Stark lui avait donné. Ce n’était pas très honorable, mais ce n’était pas comme si  Meyra s’inquiétait pour sa réputation. Il y avait toujours des gens au bord du gouffre pour réclamer les services d’un mercenaire, quel qu’il soit.  

Enfin, sauf si la dame du Nord lui prenait sa tête. Meyra n’envisagea cette option qu’une fois arrivée aux portes de Winterfell, et il était trop tard pour faire demi-tour.

- Je viens pour voir Lady Stark. expliqua la mercenaire aux gardes, prête à en découdre comme la dernière fois.

Mais cette fois-ci, on la laissa passer sans plus de querelles. On la mena jusqu’à la dame du Nord. Au fond d’elle, Meyra sentait l’anxiété la gagner mais elle se refusa à le montrer.

- Lady Stark. la salua-t’elle sobrement avec un signe de la tête en guise de révérence.

Meyra prit une profonde inspiration et regarda autour d’elle en prenant garde de ne pas être entendue.

- J’ai échoué ma mission. Je n’ai pas pu atteindre ma cible. commença-t’elle en essayant de refouler la honte qui la gagnait et le rouge qui lui montait aux joues. Malgré ma discrétion, j’ai été prise sur le fait. Le régicide se trouvait à l’endroit précis où elle aurait dû se trouver.

Meyra était toujours abasourdie par le fait que Jaime Lannister l'ai laissé s'enfuir.

- Je peux vous assurer qu'il ne sait pas qui m'a envoyé. Ils ne manquent pas d'ennemis à Port Real. chuchota-t'elle pour essayer de rassurer la dame du Nord.

La jeune mercenaire n’avait jamais eu à annoncer pareille nouvelle, mais elle voulu vite gagner en assurance.

- Mais je ne reviens pas les mains vides. poursuivit Meyra. J’ai obtenu une information qui pourrait intéresser votre famille.

Meyra se doutait que la dame du Nord serait intéressée par une telle information. Elle espérait que cela pourrait essuyer en partie son échec à la capitale des sept couronnes.

Cela faisait maintenant plusieurs lunes que ma petite mercenaire était partie en mission. Pour tout dire, je ne savais pas trop quoi pensé. Avait-elle réussi ?  Ou au contraire, était-elle morte ? C’était peut-être pour cette raison que je n’avais pas encore eu de ses nouvelles. J’essayais de continuer mon petit train de vie sans laisser paraître ma contrariété à ce sujet. Mes filles me manquaient de jour en jour et je priais pour qu’on me les rende. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi le sort s’acharnait autant sur notre famille. Nous n’avions rien fait pour mériter ça. Et pourtant…

Ce jour-là, mon mari était parti chasser. Il avait lui aussi besoin de se changer les idées et la chasse faisait parti de ses passes temps favoris. Je me retrouvais donc seule et j’avais décidé de me mettre à la broderie. J’adorais broder depuis toujours. Ma mère me l’avait apprit quand j’étais plus jeune et à chaque fois que je brodais, j’avais l’impression de la sentir un peu avec moi. J’avais prit la décision de broder des mouchoirs pour mes filles car oui, pour moi, elles sont en vie quelque part et elles finiraient par rentrer à la maison tôt ou tard.

Un garde vint m’annoncer qu’une jeune femme se trouvait aux portes de la forteresse. Je lui disais qu’il pouvait la faire entrer sans problème. J’allais mettre de côté ma broderie et je me levais. S’agissait-il d’une de mes filles ? Mon cœur battait comme jamais il n’avait battu jusqu’ici. Des pas dans le couloir se firent entendre et la porte s’ouvrit. Non, ce n’était pas une de mes filles, s’était ma très chère mercenaire. Je faisais signe au garde de nous laisser et ce dernier obéit en prenant soin de fermer la porte derrière lui. J’allais m’asseoir.

« Tiens, je suis soulagée de vous voir mademoiselle. Est-ce que vous avez des bonnes nouvelles à m’annoncer ? » Non seulement elle avait échoué la mission, mais en plus, elle s’était fait prendre en flagrant délit ! Par le Régicide ? Et elle était encore en vie ? Alors là, il y avait vraiment quelque chose que je ne comprenais pas… Cet homme n’est pas vraiment du genre clément. J’avais donc hâte d’écouter la suite de son récit. « Ce n’était pas vous qui me disiez que vous étiez la meilleure ? Car vous m’avez demandé une jolie somme d’argent. »

Je me levais pour lui faire face. Très franchement, j’étai en colère. « Et vous croyez que ça ne va pas avoir de répercutions ? Qu’est-ce qui vous dit qu’il ne vous a pas fait suivre ? » Si ça se trouvait, il l’avait fait et elle mettait tout ma famille en danger. J’avais durci ma voix mais je ne criais pas pour autant. Je la grondais comme je grondais mes filles. C’était du suicide qu’elle soit revenue. « Oh, une information ? J’espère que cette information vaut la peine de mettre toute ma famille en danger…  Je vous écoute.»

Le visage de la Dame du Nord était fendu par la colère. Meyra n'en fut pas surprise. Jamais elle n'avait eu à essuyer pareille humiliation, mais d'un autre côté jamais elle n'avait eu un aussi grand défi à relever.

- Je suis l'ombre de mes proies. Je sais couvrir mes traces. Si on m'avait suivi, j'aurais été la première à le remarquer. rétorqua Meyra pour tenter de rassurer la Dame du Nord.

Mais la jeune mercenaire savait que cela ne suffirait pas pour regagner ses faveurs. Et il était hors de question de perdre cette prime qui lui fut promis, pas plus que sa tête. Il n'était pas non plus question de détailler son face à face avec le Régicide, cela ne regardait qu'elle.

Meyra arrivait à distinguer la curiosité de la colère sur le visage de Lady Stark lorsqu'elle annonça ne pas être revenu les mains vides.

- J'ai trouvé un informateur à Port Real. commença-t'elle en se rapprochant prudemment de son interlocutrice J'ai une piste pour retrouver les deux jeunes louves du Nord. lui lança-t'elle en plantant son regard dans le sien.

Meyra se doutait que cette information intéresserait Lady Stark. Elle n'aurait jamais pris le risque de retourner à Winterfell dans l'échec. Mais la perspective de pouvoir retrouver les deux filles Stark pourrait lui assurer une seconde chance de garder sa tête et d'obtenir une bourse bien pleine.

- Cette piste commence plus au Sud. J'ai quelqu'un à rencontrer. Je ne peux vous en dire plus, mais je peux vous assurer que c'est une source sérieuse.

L'assurance habituelle de Meyra reprenait le dessus. Elle ne serait pas revenu si elle ne croyait pas à la véracité de ces informations.

- Je sais que vous n'avez aucune raison de me faire confiance. J'ai surestimé mes compétences pour ma mission précédente.

Cela lui coûtait de l'admettre mais elle n'avait pas d'autre choix. Elle prit une grande inspiration.

- Mais je ne commettrai pas deux fois la même erreur. Je sais que je peux retrouver vos filles. Vous devriez saisir cette chance.

La jeune femme jouait quitte ou double. Mais on lui avait assuré que l'instinct maternel de Lady Stark était sans pareil. Elle comptait bien sur ce dernier pour s'en sortir.

J’espérais vraiment qu’elle disait vrai et que personne ne l’avait suivie. Je n’avais pas besoin qu’un meurtrier passe nos portes. J’avais déjà perdu mes enfants, je n’avais pas besoin d’un nouveau malheur dans ma vie. Pour panser mes blessures, mon mari m’avait proposé de faire un nouvel enfant. Mais en ce qui me concernait, il en était absolument hors de questions. J’aurai l’impression de remplacer ceux que j’avais déjà et ça, il en était hors de question. De plus, je n’étais plus toute jeune. Je ne voulais pas faire subir à mon corps une nouvelle grossesse. Je pouvais très bien y rester et Ned n’avait pas besoin de ça.

« Oh vraiment ? Tout comme vous êtes la meilleure dans votre domaine ? Vous n’avez cessez de me le dire il me semble non ? »

J’étais vraiment en colère contre elle. Je savais que j’avais mis la barre haute en lui demandant de tuer Cersei. Mais elle m’avait dit qu’elle s’en sentait capable et je l’avais crue. Je fermais les yeux et je prenais une profonde respiration. M’énerver n’allait servir à rien. Je lui avais dit ce que j’avais à lui dire, j’allais donc lui confier autre chose dans ce cas.

Son discours capta aussitôt mon attention. Pendant une fraction de secondes, elle me disait qu’elle avait des informations sur mes filles. J’espérais pour elle qu’elle ne mentait pas. Car si tel était le cas, je lui ferai couper la tête moi même. Donner des faux espoir à une mère, c’est vraiment la pire des tortures que l’on puisse lui infliger. Je soutenais son regard sans la moindre difficulté.

« Vous avez toute mon attention.»

Tout un tas de questions commençaient à tourner dans ma tête. De qui pouvait-il bien s’agir ? Qui devait-elle rencontrer ? Je devais vraiment me retenir de ne pas partir avec elle. Je savais que Ned ne me laisserait jamais faire. Il ne supporterait pas de me perdre et je ne le supporterai pas non plus. Qui était au Sud ? Sansa, Aria, les deux ?


« Eh bien, j’espère pour vous. Je vous ai pardonné une fois mais vous vous doutez bien que ma patience à des limites. »

J’étais prête à lui accorder une dernière chance. Elle avait donc interêt à la saisir et à en faire bonne usage.

« Non en effet, mais je veux bien vous donner une dernière chance de faire vos preuves et de vous rattraper. »

Je plongeais mon regard dans le sien.

« Ne me dîtes pas ce que j’ai à faire jeune fille. N’oubliez pas à qui vous vous adressez. Je vous laisse donc une dernière chance. Mais un conseil, ne me décevez pas cette fois. »