« Un peuple étrange et subtil, les Volantains. »
[Doran Martell à Arianne Martell]
Meyra a ouvert les yeux pour la première fois dans un bordel situé à l’ouest de Volantis, le paradis des tavernes, auberges et lieux de plaisir destinés aux étrangers.
Elle se souvient de chacune des odeurs de son enfance, allant de la transpiration qui se mêlait au parfum des riches nobles venu s’encanailler avec les filles du bordel à l’odeur nauséabonde des ruelles alentours.
Sa mère était l’une d’elles et son père était probablement l’un de ses nombreux clients.
Alors qu’elle se remettait à peine de son don à la vie, Meyra lui fut arrachée en vue d’être jetée dans une ruelle voisine. En ces temps difficiles, Delio Nemerion, le propriétaire du bordel, n’était pas enchanté à l’idée d’accueillir une nouvelle bouche à nourrir.
Mais sa mère le supplia et fit la promesse qu'elle finirait par être rentable, comme une sorte d’investissement à long terme.
N’étant pas insensible à ses charmes, Delio examina le nourrisson et s’arrêta sur ses yeux noisettes à peine ouverts.
«
Tu travailleras deux fois plus pour qu’on puisse la nourrir, Elendë. » ordonna-t’il à sa mère avant de la rendre à ses bras.
L'avenir de Meyra fut ainsi scellé, quelques minutes seulement après sa naissance.
Elle grandit avec un collier relié à une chaîne et fut élevée dans ce bordel avec beaucoup d’amour, celui de sa mère comme celui des autres filles de joie.
La langue qui lui fut enseignée était un dialecte dérivé du haut valyrien, comme pour tous les habitants des cités libres. Mais l’ouest de Volantis étant un quartier très prisé par les étrangers, de nombreuses autres langues parvinrent à ses oreilles, dont les bases de la langue commune de Westeros.
Elle atteignait sa 12ème année en ce monde lorsqu'elle se mit à saigner pour la première fois. Elle se souvient du regard empli de terreur de sa mère alors qu’elle tentait de dissimuler le drap souillé de son sang aux autres filles.
Mais c’était trop tard. Toutes ont posé sur elle ce regard qui en disait long, comme un «
bienvenue, ma fille ».
Elle était en âge de comprendre ce que ça signifiait. Elle avait souvent vu sa mère disparaître derrière le voile menant à sa chambre, les hommes satisfaits en sortant avec cette immonde odeur de sueur.
Elle n’avait aucune envie de faire la même chose. Pourtant elle n’avait pas le choix, elle était née pour cela.
***
Mais un soir, avant que l’on ait fini de lui enseigner son rôle et qu'elle ait pu offrir sa virginité à un riche étranger en quête de sensations, elle sortit prendre l’air dans la ruelle et croisa le regard d’un membre d’un groupe de spadassins qui passaient au même moment. Tout ce qu'elle savait d’eux, c’est qu’ils étaient violents et toujours en quête de combats pour leur propre gloire.
Un peu effrayée mais surtout intriguée, elle continua à les jauger, son regard s’arrêtant sur leurs armures et leurs fines épées.
Celui dont elle avait croisé le regard s’arrêta et se rapprocha d'elle, sous le regard amusé des autres spadassins. Il se planta devant elle et la regarda de haut en bas avant de porter son attention sur la façade du bordel.
«
Tu travailles ici ? » lui demanda-t’il après lui avoir adressé un signe de la tête en guise de salut.
«
En effet. » répondit la jeune fille, bien qu'elle ne fasse pas encore le métier qu’il pense.
«
Tu as quel âge ? » continua-t’il, l’air impassible.
«
Bientôt 13 ans. » répondit-t'elle poliment.
«
Tigres ou éléphants ? » demanda-t’il en référence à la lutte pour le pouvoir entre les nobles Valyriens et les marchands qui sévissait depuis un siècle.
«
Quelle différence cela fait pour moi ? » demanda-t'elle en retour.
Un sourire se dessina sur ses lèvres.
Son regard suivit celui de Meyra alors que qu'elle fixait à nouveau sa longue épée.
«
Elle te plais. » affirma-t’il en haussant un sourcil.
Meyra hocha vivement la tête, ne pouvant détourner les yeux du pommeau doré de son arme.
Pourtant, ce n’était pas la première épée qu'elle voyait, mais jusqu’à récemment elle n’avais pas le droit de s'approcher ou d’adresser la parole aux visiteurs du bordel.
Elle fit un mouvement de recul lorsque le spadassin tendit sa main vers le fourreau de son épée et l’en sortit.
«
Tu veux la tenir ? » lui proposa-t’il.
Elle le fixa avec étonnement, puis regarda à nouveau l’épée alors que des protestations se faisaient entendre du côté du reste des spadassins.
«
Bon, tu la payes ta pute ou on y va ? » s’exclama l’un d’eux.
Il secoua la tête comme pour dire à la jeune fille de les ignorer et désigna à nouveau son épée d’un signe de tête.
Elle tendit instinctivement la main vers celle-ci et referma sa main autour du manche doré. Il était froid contre sa peau. Mais malgré sa finesse, l’épée était trop lourde pour qu'elle la porte à une seule main. Elle l’empoigna donc avec sa deuxième main et la brandit de tout son poids au dessus de sa tête, un sourire émerveillé sur les lèvres.
«
Il faut que j’y aille. » lança le spadassin en l’interrompant dans son geste.
Frustrée, Meyra hocha toutefois la tête. Il fit quelques pas, sembla hésiter puis fit demi-tour.
«
Tu veux être libre ? Prends la route des démons et retrouve-moi à Meereen. » lui chuchota-t’il à l’oreille.
Elle le regarda avec incompréhension.
«
Au-delà du Détroit, une nouvelle vie s’ouvrira à toi. » ajouta-t’il avant de s’éloigner avec le reste du groupe et de disparaître à l’angle d’une ruelle.
Les sourcils froncés, elle tentait d’assimiler ses derniers mots.
«
La route des démons ». Elle a si mauvaise réputation que même les soldats ont peur de l’emprunter.
«
Tu veux être libre ? ». Elle passa ses doigts le long de son collier d’esclave. Bien sûr qu'elle voulait être libre. Mais qu’est-ce que ça faisait d’être libre ?
Elle jeta un œil à l’édifice derrière elle. Jamais elle ne s’était demandée si elle avait le choix de vivre ici ou non. Elle se devait de vivre avec sa mère et avec toutes ces femmes qui l’ont élevé avec tout l’amour dont elle pouvait rêver.
Cela a toujours fait partie d'elle, c’était la norme, alors quelle autre vie je pouvait-elle espérer ?
Un tatouage de rayures vertes apparu dans son esprit. Celui que porte les soldats esclaves de Volantis. Plusieurs fois elle s’était imaginée à leur place lorsqu'elle les voyait passer dans les rues, dignes et fiers de leurs faits d’armes. Son regard se porta sur la larme noire dessinée sur l’intérieur de son poignet, avec l’envie de l’arracher de sa peau qu'elle ravala rapidement.
***
«
Mère,
Tu m’as toujours dit que j’ai de la chance d’être en vie à l’heure actuelle et que je dois m’en contenter,
Mais je saisis ma chance.
Je sais que tu ne me suivrais pas.
Je te demande pardon.
Meyra »
Elle déposa la lettre devant la porte de sa chambre et profita de la pénombre pour prendre quelques affaires. Uniquement le stricte minimum : quelques vivres pour le voyage et une dague qu'elle accrocha à sa ceinture.
Elle décida à la dernière minute d’emporter la pièce qu’un client de sa mère avait glissé dans sa main, probablement pour profiter d’un sentiment de supériorité. Elle l'avait cachée précieusement sous son lit. Il s’agissait d’une pièce de monnaie typique de Volantis, avec une couronne au revers et une tête de mort à l’avers.
Ayant passé la porte du bordel et arpentant les ruelles de Volantis, elle réalisa soudain qu'elle était entrain d’abandonner la femme qui l’avait mise au monde. Mais sa mère ne l'aurait jamais suivi. Elle avait toujours été très docile et résignée. Elle ne pouvait pas faire de même alors qu'elle avait la possibilité de quitter Volantis pour vivre une autre vie.
Mais la peur de l’inconnu surgit alors qu'elle se retrouva sur la route des démons. Elle réalisa que sa vie pouvait s’arrêter d’un instant à l’autre, et que personne ne le saurait. Un instant, elle regarda derrière elle et hésita à faire demi-tour. Elle pouvait rentrer au bordel, récupérer sa lettre, se mettre au lit et vivre la vie qui lui était destinée.
Cette pensée lui arracha une grimace. Il n’en était pas question. Elle prit une grande inspiration et se mit à marcher en regardant droit devant elle.
Elle entendit le bruit d’une carriole derrière elle. Elle se jeta instinctivement dans un buisson non loin de la route et vit passer ladite carriole, tirée par des éléphants nains. Des esclaves équipés de pelles ramassaient les excréments des pachydermes, harcelés par les mouches. La carriole était remplie de victuailles de toute sorte et semblait appartenir à un marchand occupé à diriger les éléphants nains.
Elle décida de saisir sa chance. Ni une ni deux, elle sortit du buisson et s’approcha de la carriole qui progressait lentement sur le chemin.
L’un des esclaves se retourna, surpris, mais elle lui fit signe de se taire. Son regard était braqué sur son collier d’esclave.
«
S’il vous plaît… » chuchota la jeune fille en le suppliant du regard.
L’esclave se retourna et ramassa une fiente de l’animal sans dire un mot.
Meyra en profita pour se hisser avec précaution à l’arrière de la carriole du marchand et se dissimuler sous le linge disposé sur les victuailles.
Les yeux écarquillés et bercée par le mouvement lent et régulier de la carriole en mouvement, elle était incapable de dormir. Elle avait toujours cette peur au sein de son corps, elle pouvait sentir mon cœur battre contre sa poitrine, prêt à exploser.
Pourtant, le sommeil a dû finir par l’emporter car elle fut réveillée par des tapes vives et désagréables contre sa jambe. Elle ouvrit les yeux et réalisant où elle se trouvait, elle se hâta de s’extirper de la carriole, ne manquant pas de s’écraser lourdement sur le sol et de rouler quelques mètres plus loin. Elle cru entendre les protestations du marchand qui avait découvert une gamine en haillons dans son chargement, mais il ne daigna même pas s’arrêter.
Elle se releva difficilement et regarda autour d'elle. Elle se trouvait sur un pont et elle voyait une grande muraille en pierres grises qui le surplombait. Elle distinguait des pyramides de tailles variables au-delà des murailles.
«
Meereen… » chuchota-t'elle, émerveillée de découvrir autre chose que les ruelles de son quartier de Volantis.
La peur avait été en partie chassée par l’excitation. Elle pénétra dans la ville et marcha sur les rues pavées sans savoir où donner de la tête. Elle erra durant quelques heures dans la cité, écumant les divers commerces qu'elle contemplait comme si elle n'en avait jamais vu auparavant, ne dépensant toutefois pas sa seule et unique pièce malgré les tentations.
Elle finit par réaliser que le spadassin ne lui avait donné aucun point de rendez-vous précis et qu'elle pouvait passer des heures à écumer toutes les tavernes et auberges de Meereen.
L’idée qu’il puisse l’avoir mené en bateau depuis le début lui traversa l’esprit, mais elle la chassa rapidement. De toute manière, qu’il soit ici ou non, elle ne pouvait plus faire marche arrière. Delio la battrait à mort pour s’être éclipsée une nuit entière.
Un éclat au loin attira son attention. Une lueur d’espoir traversa son visage. Il s’agissait d’un pommeau d’épée dorée, comme celui de l’homme qu'elle recherchait. Elle me mit à courir, bousculant tous les passants, criant à l’homme de s’arrêter mais la rue était trop bondée pour qu’il l’entende.
Elle parvint à le suivre à bonne distance jusqu’à arriver à ce qui semblait être le port de Meereen. L’homme s’apprêtait à monter dans un bateau. Elle finit par le rattraper, mais il se retourna et son espoir disparu dans les méandres de sa déception.
«
Désolée je… Ce n’était pas vous. » souffla-t'elle en regardant ailleurs.
«
Mais je peux être qui tu veux ma jolie. » répondit-t’il en souriant.
Révulsée, elle commença à s’éloigner et fixa les passants, tous indifférents à son sort et la bousculant de tous les côtés. Elle se ravisa soudainement.
«
Attendez ! Je voudrais vous accompagner. » cria-t'elle dans sa direction.
Il se retourna et la regarda de haut en bas, fixant ses haillons et son collier d’esclave.
«
Tu sais où va ce navire au moins, petite ? » lui lança-t’il.
Elle secoua la tête en signe de négation, déterminée. Peu lui importait où allait ce navire, elle partirait avec lui. Avec ou sans spadassin, elle devait quitter les alentours de Volantis immédiatement.
L’homme la jaugea, puis finit par hausser les épaules et lui fit signe de monter.
«
Elle est avec moi ! » cria-t’il à d’autres hommes qu'elle identifia comme étant l’équipage du navire.
Le souffle court, elle contempla la Baie des Serfs s’éloigner de plus en plus à mesure que le navire fauchait les vagues de la mer.
«
Bon, où est-ce qu’il va ce navire finalement ? » demanda-t'elle d’une voix hésitante à l’inconnu.
Un éclat de rire sortit de sa bouche en guise de réponse et se perdit dans le vent du large.
« Au-delà du Détroit, une nouvelle vie s'ouvrira à toi. »
[Le spadassin à Meyra]
Étourdie par ces semaines en mer, Meyra eut une grande difficulté à poser le pied sur le sol de Westeros. Dire qu’il n’y avait pas si longtemps, elle n’avait jamais été plus loin que quelques centaines de mètres du bordel où elle avait vécu. Et aujourd’hui, elle était sur un autre continent.
Une voix familière la tira de ses pensées.
«
Tu devrais retirer ça. » lui lança le mystérieux spadassin en désignant du doigt le collier d’esclave qu'elle portait toujours autour du cou.
«
Vous m’aviez dit de vous retrouver à Meereen. » rétorqua-t'elle, agacée.
Les lèvres du spadassin étaient pincées mais ses yeux semblaient lui sourire.
«
L’essentiel, c’est que tu aies traversé le Détroit. Qu’est-ce que tu comptes faire maintenant ? » lui demanda-t’il.
Des sons inintelligibles sortirent de la bouche de la jeune fille. Comment ça ce qu'elle comptait faire ? Elle n’en savait rien, c’est lui qui lui avait demandé de rejoindre Westeros.
«
Tu as voué une confiance aveugle à un inconnu et abandonné tout ce que tu avais derrière toi sans savoir pour quoi faire ? » continua-t’il froidement en haussant un sourcil.
Elle était piquée au vif. Elle avait réagi par instinct, sans réfléchir, ou peut-être bien qu’il avait formulé un rêve qui résidait au fond d'elle inconsciemment.
Ne sachant quoi répondre, elle se contenta de baisser la tête et de hausser les épaules.
Elle sentit un métal froid contre la peau de sa nuque.
«
On va commencer par ça. », sa parole se liant au geste tandis qu'elle sentait le collier d’esclave tomber lourdement sur le sol et qu’un cri de surprise s’échappait de sa bouche.
Elle passa ses doigts sur son cou, se sentant soudainement mise à nue et sans aucune protection. Un bref instant, l’envie de se jeter sur le sol et de remettre le collier lui traversa l’esprit. Mais elle leva les yeux vers le spadassin et la lueur rassurante dans son regard lui fit chasser cette pensée.
Le mystérieux spadassin s’éloigna alors vers une taverne.
«
Je ne connais même pas votre nom. » souffla-t'elle en lui courant après.
«
Drak Atleen. » répondit-t’il sans même se retourner.
***
Quatre années s’étaient écoulées depuis que Drak avait pris Meyra sous son aile. Comme ils étaient arrivés sur la côte proche de Port Real et que Drak n’avait guère de sympathie pour la capitale des Sept Couronnes, il avait vite décidé qu'ils partiraient vers le Nord. Elle ne connaissait toujours pas la raison de sa venue ici, mais elle n’allait pas s’en plaindre.
Il avait commencé par lui expliquer brièvement la langue commune de Westeros ainsi que son histoire et celles des maisons qui composent les sept royaumes. De ce qu’il disait, les Westerosiens pouvaient être aussi sanglants que les Tigres et les Éléphants à Volantis pour la conquête du pouvoir. Elle écoutait ces histoires avec peu d’intérêt.
«
Quelle différence cela fait pour moi ? » la citait-il en soupirant dans ces moments-là.
Elle était bien plus attentive lorsqu’il était question de leur survie, notamment la chasse. Il lui avait appris à manier l’arc afin de chasser du gibier toujours plus imposant, afin qu'ils ne manquent de rien sur la route.
Il lui avait également apprit à faire un feu de camp et à voyager rapidement en couvrant leurs traces, lui expliquant que les routes pouvaient être dangereuses si un groupe de voyageurs mal intentionnés venaient à les repérer.
En revanche, elle était bien moins douée à l’épée. Il lui avait donné une épée d’estoc à lame fine du type de celle qu’il portait à sa ceinture. Sauf qu’il était clair qu’en combat rapproché avec un combattant bien plus expérimenté, elle ne ferait pas long feu.
Drak lui avait toutefois enseigné une technique, à savoir planter sa dague dans la jambe de son adversaire pour le faire tomber à sa hauteur et lui trancher plus facilement la gorge.
Mais survivre ne suffisait pas à la jeune fille. Voyager sans but si ce n’est manger et dormir pour survivre, c’était toujours mieux que d’être esclave, mais elle ne me sentait pas totalement libre. Elle était esclave de ses besoins naturels, en constante alerte et sans aucun confort. Jamais totalement reposée, jamais totalement en forme non plus en dehors de l’adrénaline qui la gagnait lorsqu’un danger se présentait.
Il lui fallait plus, et Drak l’avait remarqué. Elle avait soif d’une vie plus confortable, plus fastueuse. Alors, Drak les redirigea vers Port Real. Elle ne comprenait pas bien pourquoi, mais elle l’avait suivi sans protester. Arrivés à la capitale après plusieurs semaines de voyages, Drak les conduit dans une taverne et avait commandé trois pintes de bière.
«
T’en veux ? » lui demanda-t’il avant de boire la sienne goulûment.
«
Non merci. » rétorqua-t'elle sèchement, agacée de tous ses mystères.
Sa seule réponse fut de lui tendre une de ses pintes. Elle bu le liquide amer sans grand enthousiasme en levant au les yeux au ciel.
Un homme finit par s’arrêter à leur table et Drak lui fit un simple signe de tête avant de s’éloigner afin de s’entretenir avec lui en privé.
Elle descendit sa pinte de bière pour passer le temps, ses jambes se balançant sous la table pour témoigner de son irritation.
«
On s’en va, Meyra. » lui ordonna Drak en l’attrapant par le bras.
«
Où ça ? » vociféra-t'elle en se faisant traîner hors de la taverne malgré elle.
«
J’ai du travail pour toi. »
***
Meyra se trouvait devant un campement de jeunes militaires Lannister, pas plus d’une dizaine. Cela faisait plusieurs jours qu'ils les traquaient, en attendant le moment opportun pour agir. Sa cible se trouvait juste en face d'elle.
«
Attends. Il faut te trouver un nom. Pour les prochains. » l’interrompit Drak.
«
Meyra. Meyra Atleen. » répondis-je sans trop réfléchir.
Un voile passa dans son regard. Il semblait que cela l'avait touché.
«
Non. Un surnom. Quelque chose qui cache ton identité à ceux qui vont recourir à tes services. » continua-t’il sans relever.
Elle haussa les épaules. Il attrapa son poignet et le retourna afin de toucher son tatouage du bout du doigt.
«
La larme noire. C’est comme ça qu’ils t’appelleront. » décréta-t’il avant de reporter son attention devant eux.
«
Tu te rappelles ? Discrètement, comme la première fois. » lui chuchota Drak.
Elle hocha la tête, concentrée sur son objectif. L’ombre de l’homme se reportait sur la toile de sa tente. Elle jeta un coup d’œil à droite et à gauche. Aucune activité, pas un seul bruit. Le plus silencieusement possible, elle s'approcha de la tente en prenant garde de ne pas trébucher sur un rocher dans la pénombre.
«
Suis ton propre chemin. » lui chuchota de très loin la voix de Drak.
Elle sortit sa dague et la serra fort dans ma main jusqu’à ce qu’elle devienne toute blanche. Son cœur battait à la chamade. Quand est-ce qu'elle allait s’y habituer ?
Elle prit une grande inspiration et leva lentement son bras, tenant toujours sa dague fermement. D’un geste vif, elle abattit son bras de toutes ses forces, sentant la toile de tente se déchirer sous le tranchant de la lame, suivi de la chair de sa cible. Elle l’avait frappé en plein dans la poitrine, au niveau de son cœur. Seul un bruit sourd s’échappa de la bouche de sa victime alors que tout son corps se ramollissait sur sa paillasse.
Les lèvres tremblantes, elle fit demi-tour et repartit à la lisière de la forêt où elle avait laissé Drak.
Mais évidemment, plus de traces de lui. Il lui avait dit qu’il n’aimait pas les adieux… Elle pensait tout de même avoir une dernière parole de sa part. Il avait changé sa vie après tout.
Au fond d'elle elle savait que cela ne pourrait pas durer. Il se battait pour la gloire et l’honneur alors que qu'elle assassinait des gens dans leur sommeil. Ils n'aspiraient pas à la même vie.
Elle ravala ses larmes avec fierté et aperçu une bourse posée sur un rocher. Elle l’attrapa et la secoua. Elle était pleine de pièces d’or, sa récompense pour l’assassinat du jeune capitaine Lannister. Quelqu’un avait été prêt à payer cher pour que son sang coule, et elle avait prêté sa lame. Peu lui importait les raisons tant qu’il y avait la récompense.
Elle sortit la pièce de monnaie qu'elle avait emmené de Volantis de sa poche et la contempla avec un sourire satisfait.
Elle était enfin libre. Elle n’avait plus de comptes à rendre, à personne.