Ma naissance, dit-on ne fut point semblable aux autres. Le Royaume n'eut point été tenu de mon arrivée. Je ne m'en offusque point. Aucune fête ne fut donnée pour m'accueillir. Je ne m'en offusque point. Dès mes premières heures, l'on me condamna à n'être rien de plus qu'un bâtard, un enfant né hors mariage. C'est ainsi que sont les choses alors à quoi bon s'en offusquer ? Je m'estime heureux qu'Eddard Stark ait accepté de me garder près de lui et de m'élever sans distinctions. Je sais que pour certaines personnes, que je ne peux me résoudre à blâmer, mon existence est difficile à accepter. Je suis un enfant sans histoire, sans mère, je suis l'étranger qui apporte la honte. Il m'a fallu composer avec sans me plaindre, sans leur faire offense. Malgré mon statut de bâtard, je me devais d'être exemplaire pour les plus jeunes, mais plus encore pour rester digne de notre père et de Robb.La nostalgie s'empare encore de moi lorsque je repense à ce jour funeste où notre père a fait exécuter l'un des déserteurs de la Garde de Nuit. Je peinais à accepter cela à l'inverse de Robb qui appréhendait mieux que moi les devoirs qui nous incombait en tant que Stark. Sur la route du retour, nous avons découvert le cadavre encore chaud d'une louve géante. Ses louveteaux au nombre de six erraient comme des âmes en peine et avec Robb nous parvînmes à convaincre notre père que chacun d'entre nous pourrait s'occuper d'un des louveteaux. Après tout, n'était-ce pas notre emblème ? C'est ainsi que ma route croisa celle de Fantôme. Pourvu d'un pelage blanc, il déteignait avec ses frères et sœurs. Je me suis instantanément reconnu en lui et aussi fou que cela puisse paraître, j'ai comme l'impression qu'il m'a choisi.

Je revois aussi le visage d'Arya, liée à Robb dans le souvenir. Je ne lui portais pas la même affection qu'à mon frère que je respectais. Arya était ma petite sœur, celle qui n'avait de cesse de me faire sourire, elle m'admirait et bien plus que de flatter mon ego, le regard qu'elle portait sur moi me donnais enfin l'impression de ne pas juste être le bâtard Stark. Sansa elle, semblait plus distante et posait sur moi, un regard semblable à celui de sa mère. Certains se plaisaient à dire d'elle qu'elle était fragile comme un petit oiseau, mais au fond de moi, bien que nous n'ayons pas été proches lors de nos jeunes années, jamais je n'ai douté de sa force d'esprit et de son intelligence. Et que dire de Bran et Rickon ? Intrépides aventuriers avec qui Robb et moi aimions passer du temps. Nous leur apprenions le maniement des armes. Rickon était vif, Bran doué avec un arc. Son accident me fit du mal, je m'en sentais coupable, assez pour venir tous les jours, prier un dieu auquel je ne croyais pas. Mon impuissance ne suffisait point pour la maîtresse des lieux. Les mots de Catelyn furent dures à mon égard rendant le déchirement du départ moins vivace.

Rudes furent mes débuts au sein de la Garde. L'on me regardait avec dédain, Ser Alliser Thorne m'accablaient de ses moqueries de concert avec les « siens », ma solitude n'en fut que plus grande encore. Cette attitude déplaisait et me rendait indigne d'un futur frère de la Garde. Les mots lucides de ce cher Tyrion en visite pour découvrir le mur, m'aidèrent à trouver la bonne attitude, nous nous quittâmes amis tandis que je prenais mes marques parvenant toutefois à me trouver des camarades plus conciliants, en la personne de Samwell Tarly, contraint et forcé par son père à rejoindre la Garde de Nuit, que je pris aussitôt sous ma protection pour lui éviter les brutalités du maître d'armes. Nous ne nous sommes plus quittés dès lors. Telle était notre force dans l'adversité et c'est ensemble que nous parvînmes à survivre.Je me rêvais patrouilleur comme mon oncle, mais l'on m'affecta à l'intendance comme aide de camp du lord Commandant Jeor Mormont. Fantôme ne me quittait plus et nous accompagnait dans la plupart de nos sorties et de nos grandes aventures. Je n'ai jamais ménagé mes efforts, malgré la haine de mes semblables. Je devais faire mes preuves, je l'ai fait n'en déplaise à certains. J'ai sauvé le lord Commandant Mormont qui en guise de présent, m'a offert Grand-Griffe son épée bâtarde en acier valyrien. Un présent qui ne m'a jamais quitté et qui m'a ainsi accompagné dans l'ascension au sein de la Garde de Nuit devenue ma véritable famille malgré les dissensions encore palpables.

« La mort est la même pour tous, quel que soit la maison qui nous a vu naitre » Telles furent mes dernières pensées lorsque l'ultime coup de poignard me fut porté au cœur. Ils avaient gravé le mot « traître » sur le bois et avant même que l'on m'assaille de coup, je sentis en moi la mort m'étreindre. Alors que je m'enfonçais un peu plus dans les ténèbres, mon regard se porta un à un, sur mes frères de la Garde. Je voulais comprendre pourquoi ces hommes qui m'avaient nommé Lord Commander, causés aujourd'hui mon trépas. Je me souviens encore de cet instant qui lorsque je ferme les yeux, la nuit durant, se fait plus vivace encore. Mon souffle se coupe lorsque je pose le regard sur Olly qui porte le coup fatal « Pour la garde » dit-il avec conviction alors que je tombe à genoux. Mon cœur s'emballe alors que je lutte. C'est douloureux et ça l'est encore. La neige s'empourpre ensuite de mon sang et moi, je disparais dans les ténèbres. Pour eux, les mémoires anciennes d'un ordre qui l'était tout autant, j'ai failli. O diable les traditions ! Je ne pouvais me résoudre, malgré le poids de la responsabilité à renier mon humanité. Nous ne pouvions abandonner le peuple vivant au Nord du Mur. Au nom de quoi, sommes-nous légitimes à prendre ce genre de décision ? « Sauvageons ! » disent-ils avec une haine que je peine à comprendre moi qui aie côtoyé, puis appris à aimer ce peuple. Et voilà que le souvenir d'Ygritte me touble encore.Je suis un inconscient, un traître d'ainsi me comporter. La mort est à nos portes et chacun de nous a le droit d'avoir sa chance pour la contourner telle était mon point de vue et c'est encore le cas bien que pour moi, les choses soient différentes. Je ne sais par quel miracle, mais je l'ai contourné et plus que jamais, je veux me battre pour la vie. Il m'a fallu faire des choix, je n'en suis pas fier, mais c'est ainsi. Un grand pouvoir, implique de grandes responsabilités.

Le souvenir d'Ygritte m'a longtemps hanté, tout comme la trahison de mes hommes, la destruction de ma famille et la multitude de péripéties qui est de pair. Les années m'ont endurci et délesté de cette naïveté qui faisait tant sourire Ygritte. Pour mener à bien ma mission, celle de réunir les différents clans de nordiens pour qu'ils passent le mûr avant que l'hiver ne frappe, je devais devenir un homme, un guerrier, un leader, sinon comment pourrais-je faire entendre ma voix ? La menace s'approchait et il n'était plus question de vieilles légendes peuplant nos cauchemars d'enfants. Nous étions cinq mille hommes et presque en un claquement de doigts les Marcheurs Blancs nous ont défait. Grand Griffe m'a sauvé lors d'un affrontement avec ce qui ressemblait à l'un des généraux avant que le Roi de la Nuit ne fasse son apparition. Nous avons échangé un bref regard, mon corps tout entier s'en est retrouvé paralysé et par je ne sais quel prodige, les morts se sont relevés, prêts à nous attaquer. Tant d'hommes sont morts, car nous n'avons pas été capables de mesurer la menace réelle qui se profilait à l'horizon. Ce ne sont pas des légendes et notre monde court à sa perte si personne ne consent à accepter cette réalité.

Certains maîtrisent l'art de la guerre et le maniement des armes. Des qualités essentielles pour un bon chef de guerre. Et à l'inverse certains maîtrisent l'art des mots et de la connaissance. Des qualités essentielles pour un bon maestre. Jon et Sam étaient chacun à leur place désormais, excellant dans leur domaine respectif. A la tête de l'armée Stark, Jon qui était encore, il n'y a pas si longtemps commandant de la Garde de Nuit, se pourvoyait à présent du rôle de général et devait, au nom de son père fédérer les maisons nordiennes pour préparer la guerre à venir. Toutefois, avant de se livrer aux négociations belliqueuses, Jon Snow s'était pourvu d'une autre mission et pas des moindres. « - Nous allons rejoindre les îles de Peyredragon » tels furent les premiers mots de Jon à l'égard de ses hommes « - Je sais que nous devons dévier de notre trajectoire, que le Nord nous attend. Je sais que la fatigue vous tiraille, que vos familles vous manques » Il prit le temps de poser son regard sur ses troupes et sur chacun de ces hommes. « - Peyredragon est notre salut ! » Jon répéta les mots de Sam. L'île possédait des réserves de verredragon, qui selon des écrits de l'aspirant maestre, constituait un avantage pour le peuple des vivants contre le Roi de la Nuit et son armée de morts. L'ami Samwell avait toutefois omis dans son message, de faire savoir à Jon que le fruit de ses recherches à la Citadelle, l'avait conduit à lever le voile sur l'un des secrets les mieux garder de tout Westeros. Prévenu de cette nouvelle, Jon envoya un corbeau à celui qu'il pensait encore être son père, pour le tenir au courant, mais plus encore pour lui faire savoir qu'il devait être envoyé en tant qu'émissaire à Peyredragon. Le général de l'armée Stark ignorait alors que Daenerys Targaryen avait regagné le continent et plus encore cette île jadis la possession de sa famille.

Jon opta pour une petite délégation, parmi laquelle se trouvait ser Davos Mervault qui ne le quittait plus et qui s'était montré, à de nombreuses reprises, suffisamment sage pour être un bon conseillé. Une demande d'audience fut donc envoyée à la reine des Dragons. « Elle vous demandera sûrement de ployer le genou. » murmura Davos alors qu'ils quittaient leur navire pour rejoindre le canot. « - Le verredragon est ma seule priorité. Nous devons nous préparer, car l'hiver vient, Jon en était convaincu, il réussirait à parlementer avec la briseuse de chaîne pour que cette dernière le laisse mener sa guerre. Les deux hommes arrivèrent dont sur l'île. Jon croisa le regard de Tyrion qui portait sur le torse une broche de la main de la reine en l'occurrence. Jon préféra ne pas échanger et avança avec Davos vers la salle du trône où l'hôtesse de ces lieux attendait déjà leur visite. Davos resta en retrait tandis que Ver Gris amenait Jon à destination. L'ancien Lord commandant fut surpris de voir, sur cet étrange trône, une femme si jeune et si belle, mais dans son rôle, il ne laissa rien paraître « - Madame ! Je vous remercie de bien vouloir m'accorder cette audience. Je n'ai pas le pied marin de vous à moi, le voyage fut donc pénible.